Le présent article fait partie d’un ensemble de présentations – d’œuvres & d’auteurs de la doctrine publiciste – rédigées par le pr. Touzeil-Divina.
Sauf indication contraire, le texte reproduit ici est un extrait issu du Dictionnaire de droit public interne (Paris, LexisNexis ; 2017). Il n’est pas libre de droit(s) (plagiat toussa toussa).
Il est impossible d’être exhaustif à l’égard de la dynastie des Laferrière et même d’évoquer tous ceux qui l’ont composée. Toutefois, alors que la plupart de nos contemporains auraient choisi de ne célébrer qu’Edouard (1841-1901) (II), nous avons également tenu à honorer son père, Firmin Laferrière (1798-1861) (I).
I. Firmin Laferrière, un « père » du droit administratif
Né le 06 novembre 1798 à Jonzac dans une famille de neuf enfants dont les parents étaient marchands drapiers et fondeurs de cloches, Firmin a donné naissance à trois enfants dont l’un, Edouard, est si célèbre qu’il en a éclipsé son père. Ce dernier (Firmin) a notamment fait des études à Paris où il a côtoyé le (futur) doyen Foucart (1799-1860) et suivi les leçons de droit public du baron de Gerando (1772-1842) mais où il n’a pas conquis le grade de docteur en Droit ayant d’abord embrassé une carrière d’avocat. Ses qualités ayant vite été reconnues, il obtint une nomination comme premier titulaire (en 1838) de la nouvelle chaire rennaise de droit administratif. Devenu administrateur, comme inspecteur général des Facultés (1846) puis comme recteur à Rennes (1847) et dans d’autres académies (dont Lyon, Versailles et Toulouse où il s’installa longuement car il fut nommé Recteur d’Académie en 1854 après avoir administré celle de la Seine-et-Oise en 1850), il fit même un passage éclair – comme élu – au Conseil d’Etat – alors républicain – en 1849. Ce fut toutefois un échec (que transformera son fils avec majesté) et il tenta par suite de conquérir la chaire parisienne de droit administratif (où il fut matériellement nommé comme titulaire pendant onze jours !) mais les membres de l’Ecole du Panthéon s’y opposèrent si fermement qu’il dût en démissionner. Ce ne fut du reste pas pour les Parisiens une première fois mais presque une habitude puisqu’ils refusaient de manière quasi systématique tout « corps étranger » qui leur était imposé par le Ministère (surtout lorsque l’individu n’était pas titulaire du doctorat et n’avait pas été, par eux, coopté). En 1834, pour la nomination à la première chaire française de droit constitutionnel, Pellegrino Rossi (1787-1848) eut d’ailleurs droit à un traitement similaire même s’il réussit, lui, à s’imposer. La principale (mais non unique) œuvre de Firmin Laferrière est alors son Cours de droit public et administratif dont il offrit cinq éditions (de 1839 à 1860) et dont la dernière accueillit la première édition du précis de droit public et administratif de Batbie (1828-1887). Il écrivit également de nombreux articles, en droit public et en Histoire et même quelques poésies. Décédé à Paris, le 14 février 1861, il est – à nos yeux – l’un des plus grands « pères » du droit public moderne où il incarna l’un des moteurs du courant que nous avons qualifié de « libéral citoyen ».
II. Edouard Laferrière, un fils, « père » du contentieux
Né à Angoulême le 26 août 1841 et mort à Bourbonne-les-Bains (où il était descendu en cure pour « prendre les eaux ») le 02 juillet 1901, Edouard Laferrière fut le plus célèbre des vice-présidents du Conseil d’Etat. Sous le Second Empire, il fut d’abord avocat et apprit auprès de son père, avec lequel il coécrira, les méandres puis l’amour du droit administratif. Maçon et républicain, quelques articles critiques contre Napoleon III (1808-1873) lui valurent d’être emprisonné pour « complot contre la sûreté de l’Etat » mais cela renforça son ambition de rentrer en opposition ce qui l’engagea à créer son propre journal (La Loi) après avoir participé à plusieurs reprises au Rappel. C’est à cette occasion qu’il fut caricaturé sous la légende suivante : « Maître Laferrière, froid, résolu, armé de la Loi, parviendra, comme les chevaliers errants, au but qu’il s’est fixé ». La République va effectivement le consacrer en le faisant – dès 1870 – maître des requêtes du futur Conseil d’Etat au sein duquel il gravira tous les grades. Il occupera notamment les fonctions de commissaire du gouvernement auprès du Tribunal des Conflits puis présidera la prestigieuse section du contentieux puis l’institution elle-même (1886-1898). On notera que sa carrière lui a aussi permis (1870) de diriger le service des Cultes et qu’il la termina comme gouverneur général de l’Algérie puis comme procureur général à la Cour de Cassation. Surtout, on retiendra de l’homme une doctrine des plus modernes, affinées et rigoureuses en matière de contentieux administratif ; celle-ci se matérialisant dans les deux éditions successives de son célèbre Traité réalisé suite aux leçons qu’il donna à la Faculté de Droit de Paris où plusieurs années après lui, son neveu, Julien Laferrière (1881-1958), professera. Plusieurs de ses théories (mais non sa sépulture parisienne actuellement délabrée) sont passées à la postérité parmi lesquelles : la classification des recours contentieux en branches (annulation, plein contentieux, interprétation et répression), celle des moyens d’annulation des actes administratifs, la distinction des fautes personnelle et de service, la mise en avant des actes dits d’autorité et de gestion, etc.
Op. : Histoire du droit français (F, 1838) ; Cours (…) de droit public et administratif (F, 4 éd. 1841 à 1854) ; Essai sur l’histoire du droit français (F repris par E en 1885) ; Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux (E, 1887 et 1896, 2 nde éd.).
Cit. : « L’intervention des administrateurs actifs dans le jugement des litiges est injustifiable dès lors que l’on prétend soumettre l’administration au droit » (in Traité de la juridiction administrative (…) ; 1887).Biblio. Gonod Pascale, Ed. Laferrière, un juriste au service de la République ; Paris, Lgdj ; 1998 ; Julien-Laferrière François, « F. & E. Laferrière, juristes français » in Rev. adm. ; 1994 ; p. 636 et s. ; Touzeil-Divina Mathieu, La doctrine publiciste (1800-1880) ; Paris, La Mémoire du Droit ; 2009 ; Dhjf ; p. 585.