Le présent article fait partie d’un ensemble de présentations – d’œuvres & d’auteurs de la doctrine publiciste – rédigées par le pr. Touzeil-Divina.

Sauf indication contraire, le texte reproduit ici est un extrait issu du Dictionnaire de droit public interne (Paris, LexisNexis ; 2017). Il n’est pas libre de droit(s) (plagiat toussa toussa).

Né à Précy-sur-Vrin (en Bourgogne) le 29 juin 1875 et décédé le 23 mars 1953 à Nice (où son corps repose dans une sépulture à son image : sans ostentation), (Paul) Henry Nézard fait partie de ces publicistes minorés (I), écrasés par des géants contemporains (souvent politiques et / ou parisiens) comme Adhémar Esmein (1848-1913) (dont il fut le continuateur) ou de son ami Louis Rolland (1877-1956). L’homme, qui fut doyen de la Faculté de Droit de Caen (de 1924 à 1944) est pourtant l’auteur de plusieurs ouvrages publicistes mais surtout l’un des – sinon le – père(s) de la conception dite française des fonctions publiques (II).

Comme de nombreux publicistes ayant œuvré entre 1850 et 1950, Nézard fut un vrai généraliste et non un spécialiste du seul droit administratif ou du seul droit constitutionnel (comme trop souvent de nos jours). On lui connaît ainsi la codirection (au côté de Rolland entre autres) d’un ouvrage sur les fondateurs du droit international (1904) mais c’est surtout en droit public interne que l’auteur s’est illustré. Après des études doctorales parisiennes, sa carrière, comme professeur agrégé, débuta en 1908 par sa nomination à l’Université de Caen (où il demeura après avoir notamment été chargé d’enseignement suppléant à Nancy (1904-1906)). Son agrégation fut obtenue après deux tentatives (1903-1906). A Caen, Nézard sera d’abord chargé de plusieurs leçons (en droit constitutionnel, droit administratif, économie politique, etc.) avant de devenir – en 1920 – le titulaire de la chaire de droit administratif. C’est cependant en droit constitutionnel (chaire qu’il occupera aussi), que l’auteur sera identifié suite à sa continuation des Eléments de droit constitutionnel (français et comparé) d’Esmein (avec une présentation de ce même ouvrage dans une traduction lithuanienne). Sa théorie juridique s’exprime dans plusieurs ouvrages et est même perceptible dans les différentes éditions de ses Eléments de droit public (ou principes du droit public, droit constitutionnel, droit administratif) présentés comme un outil de vulgarisation mais qui contiennent pourtant de nombreux trésors doctrinaux. Du point de vue de la méthode, Nézard revendiquait une étude de la Constitution qu’on qualifiera par suite de « matérielle » c’est-à-dire dans son application concrète, dans ses rapports politiques et dans sa réalité et non dans la seule étude de la norme formelle et textuelle. Vis-à-vis des libertés (à l’époque qualifiées de « publiques »), Nezard proposait un cours basé sur trois temps originaux : l’Egalité, la Liberté et la Fraternité et démontrait toute la juridicité de ces notions qui ne devaient pas être, selon lui, considérées qu’à l’instar de valeurs philosophiques. L’ouvrage des Eléments a d’ailleurs connu sept éditions (1911-1946) dont la dernière a reçu l’aide de Georges Berlia (1911-1977) qui avait succédé à Nézard dans la chaire caennaise de droit constitutionnel.

Etonnamment, peut-être, les ouvrages que Nezard a consacrés au droit des fonctions publiques ne sont pas ses œuvres de maturité et de reconnaissance(s) mais uniquement celles de jeunesse. On lui doit ainsi trois études successives (destinées à obtenir son doctorat (sous la direction du doyen Henry Berthelemy (1857-1943)), avant sa première prise de poste (1908). Il s’agit de sa Théorie juridique de la fonction publique (1901) ; de ses Principes généraux du droit disciplinaire (1903) et de La situation juridique des employés des services publics (1905). A ce propos, Nézard fut objectivement le tout premier auteur à tenter de « juridiciser » ou d’étudier par le biais du Droit les fonctions publiques ; phénomène dont il ne blâmait pas l’augmentation (comme la plupart de ses contemporains) mais qu’il expliquait sociologiquement (inspiré par Duguit (1859-1928) et Durkheim (1858-1917)) par la mutation du rôle et des missions de l’Etat devenu interventionniste et gestionnaire de nombreux services publics. Nézard sera ainsi l’un des premiers auteurs à proposer une définition juridique dite organique du fonctionnaire (tout citoyen (…) délégué de l’autorité publique [occupant] (…) dans un service public un emploi permanent). Par suite, encore en communion avec Rolland, Nezard admettait non seulement l’existence d’une personnalité morale étatique mais encore l’hypothèse que ce même Etat soit parfois assimilé à une personne privée et, dans ce cas, soumis au seul droit privé (par exemple lorsque l’Etat est commerçant). Par ailleurs, il forgea donc « la » théorie française de la fonction publique, théorie selon laquelle le lien organique entre l’employeur public et l’agent prime – dans la qualification – sur les fonctions réellement et matériellement exercées par ce dernier. Partant, Nézard allait classer les agents selon une opposition entre fonctionnaires « d’autorité et de gestion » mais ce, en refusant toute théorie de la représentation (Cf. citation infra).

Op. :      Outre les ouvrages précités en droit des fonctions publiques : Le contrôle juridictionnel des règlements d’administration publique (1910) et les sept éditions des Eléments de droit public (1911-1946), on recensera aussi quelques ouvrages de vulgarisation en Instruction civique puis en Economie politique (avec Edgar Allix) et plusieurs articles dont « De la méthode d’enseignement du droit constitutionnel » in Mélanges Carré de Malberg (Paris, Sirey, 1933).

Cit. :      « Le fonctionnaire n’est pas un individu quelconque quand il donne des ordres, c’est la puissance publique elle-même qui parle, car il ne la représente pas, il l’incarne, il en est (…) le titulaire ». Puis, d’ajouter : « la puissance publique ne peut pas être juridiquement représentée » (1901 ; Théorie juridique…).Biblio. Il n’existe aucun ouvrage ni article à notre connaissance (pas même une mention au pourtant exceptionnel Dictionnaire Historique des Juristes Français (Dhjf)) présentant la vie et l’œuvre d’Henry Nézard. Cette étude manque cruellement et nous attendons avec impatience « la » thèse qui viendrait combler ce vide.