Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

Cass., Civ. 3, 26 septembre 2024, Commune A. c. Commune B. (22-19.915)

Dispute de voies d’eaux côté jardin communal et question préjudicielle sauvée in extremis

Le lecteur se souvient peut-être de ce moment délicieux (in Sarah Bernhardt ; 1982, tome 50) où continuant, coûte que coûte, leur représentation les acteurs, investis dans leurs rôles, ne comprennent pas que le souffleur annonce une « voie d’eau » réelle « côté jardin » conduisant à un naufrage ; « voie d’eau » qu’ils se contentent donc d’énoncer distinctement comme s’il s’agissait d’une seule réalité fictionnelle. Il en fut peut-être de même au présent contentieux opposant deux communes à propos d’une des voies d’eau de la Monne : la première étant propriétaire de la source et la seconde en ayant réalisé un captage sur l’une de ses parcelles ; les deux ne s’entendant pas sur le prix à acquitter au regard d’une délibération communale de la propriétaire de l’eau, la commune ayant matérialisé la captation estimant qu’il s’agissait d’une « eau publique et courante » « ne pouvant être détournée au préjudice de ses habitants ». Si ce différend entre deux collectivités relève bien du droit et du juge privés, en revanche l’appréciation de la légalité de la délibération tarifaire, elle, relève de la compétence administrative ce qui, comme dans la fiction évoquée supra, a failli ne pas être considéré, tant les parties et les juges du fond avaient été obnubilés par la question seulement domaniale.

En effet, pour le lecteur administrativiste, l’un des apports principaux du présent arrêt ne réside pas dans la discussion (judiciaire) de l’application de l’art. 643 du Code civil selon lequel des eaux courantes et publiques ne peuvent être détournées au détriment des usagers inférieurs mais bien de l’importance d’une question préjudicielle, au profit de la juridiction administrative, qui a failli ne pas pouvoir se matérialiser. C’est effectivement seulement au niveau de la cassation que la Cour va imposer le respect de la séparation des autorités juridictionnelles et administratives en reconnaissant (…)

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