Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CÉ, 12 avril 2024, Comité de défense des derniers et dernières élèves de l’Ecole nationale d’administration (468571)

Annulation sans douleurs du classement de sortie de la dernière promotion de l’ENA

Avant le ripolinage de l’ancienne École Nationale d’Administration (ENA) en Institut National du Service Public (INSP), les derniers élèves de l’Ena réunis en comité (le requérant dit CODDEENA) ont contesté le classement de sortie de la célèbre École en ce qu’il ne respecterait pas, à l’instar de tout concours, le principe d’Égalité. Oui, confirme et affirme le Conseil d’État : l’acte était illégal et contraire au principe constitutionnel d’Égalité mais ce n’est pas si grave puisqu’aucune conséquence n’en sera tirée sur la carrière des intéressés (dont les situations sont devenues définitives). Seule l’Insp en recevra un blâme purement symbolique.

Concrètement, et il s’agit pour le lecteur du point le plus important en droit, le célèbre classement de sortie « des élèves de l’INSP arrêté en application » du décret du 9 novembre 2015 relatif aux conditions d’accès et aux formations à l’ENA et applicable à la promotion 2021-2022 dite « Germaine Tillion » est matériellement établi « en fonction des notes d’évaluation des stages et études attribuées à ces élèves » : il « détermine l’ordre selon lequel ces derniers exercent leur choix entre les postes offerts à l’issue de leur scolarité » et il est conséquemment « assimilable à un concours » ce qui implique qu’il doive en respecter les quatre principes de mixité, d’impartialité, d’égalité et d’unicité (ce que nous avons personnellement qualifié par l’acronyme des quatre principes « MIEU »). En outre, s’agissant d’un classement déterminant « l’affectation des élèves dans des corps de fonctionnaires », il se devait également de respecter « le principe d’égal accès aux emplois publics découlant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » en étant fondé sur « l’appréciation comparée des mérites propres de chaque candidat ». Or, va démontrer avec succès le comité requérant, (…)

(…) Ces atteintes aux principes d’unicité et d’égalité des concours ont nécessairement impacté la légalité du classement de sortie de la promotion « Germaine Tillion » ce qui pousse le juge à en ordonner l’annulation. Toutefois, rassure-t-il immédiatement (à destination des agents classés et de l’INSP), les nominations qui ont été actées au regard dudit classement illégal « étaient créatrices de droits pour leurs bénéficiaires ». Or, « étant devenues définitives, l’annulation prononcée par la présente décision est sans influence sur la situation individuelle des agents ». On se souvient alors de ce texte de Bernard Joyet chanté par Francesca Solleville (« Djamila », en hommage à la résistante algérienne Djamila Boupacha) et qui présente ainsi Germaine Tillion « dont le crime est d’avoir dénoncé haut et fort ces pratiques indignes »). Sans commentaire supplémentaire.

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