Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CÉ, 30 juin 2023, Solidaires & alii (461962)

Légalité confirmée du « contrat d’engagement républicain » des associations et fondations subventionnées par la puissance publique

Décidément, la fin du mois de juin au Conseil d’État se signale, en matière de Laïcité, par des décisions médiatiques (cf. CÉ, 29 juin 2023, Alliance citoyenne & alii (458088) et nos obs. dans cette Revue) rendues sur conclusions au moins partiellement contraires de leurs rapporteurs publics. Il en est de même en la matière où, également, nous aurions bien suivi lesdites conclusions même si l’on peut comprendre qu’elles aient suivi un autre chemin. Était ici examinée en excès de pouvoir la légalité du décret du 31 décembre 2021 pris en application de l’art. 12 de la Loi (confortant le respect des principes de la République) dite Séparatisme du 24 août 2021 et imposant un nouveau contrat d’engagement républicain (CER) à toute association ou fondation recevant une subvention publique.

Ce nouveau « CER », qui ancre la République dans une démarche privatisante de contractualisation de toute action publique au détriment de la classique « unilatéralité de la puissance publique » le tout sous un vernis de « participation démocratique », entend réaffirmer (comme si cela n’était pas déjà le cas) le fait que toute personne morale recevant une subvention publique se doive de respecter la République mais aussi ses valeurs (sic) et notamment son caractère laïque. Autrement dit, et la décision préc. du 29 juin en est également l’illustration, on confirme le mouvement de dénaturation de l’espace privé (qui est pourtant celui des associations) en lui imposant des obligations propres au seul espace public laïque. Cette confusion des genres, des services et des espaces du public au privé est à nos yeux effrayante mais elle est « manifestement » en marche. « Manifestement », justement, le Palais royal n’a-t-il pas voulu suivre les conclusions du rapporteur public l’engageant notamment à une réserve destinée à censurer a minima les termes « manifestement contraire à la Loi » qui avaient été prévus dans le CER. Le Conseil d’État, se réfugiant derrière la décision du 13 août 2021 du Conseil constitutionnel, a effectivement validé la totalité du décret en confirmant qu’il serait désormais demandé à toute association ou fondation requérant une subvention publique de s’engager de façon républicaine. Le juge a même estimé qu’à ses yeux il n’y avait pas de difficulté à ce que, désormais, au regard du CER litigieux, la personne morale de droit privée signataire non seulement fasse respecter ledit « contrat » à ses membres, salariés, dirigeants et bénévoles (et donc se transforme en autorité de police) mais encore ait à rembourser les subventions publiques en cas de contrariété avec l’engagement républicain y compris laïque. Il s’agissait là, a même commenté le juge, d’une « mesure nécessaire » (sic) ce qui confine à un jugement d’opportunité plus que de légalité selon nous… : « nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but poursuivi ». On voit mal désormais comment les hidjabeuses du recours du 29 juin 2023 vont pouvoir jouer en associations sportives subventionnées et l’on s’attend, avant cela, à ce que des recours pleuvent par exemple à propos d’autres associations qui ne devaient pas être visées par la Loi de 2021 mais qui devront la respecter et ce, dans tous les anciens patronages de France ou encore dans les voix et voies des scoutismes.

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