Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques décisions de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :

CE, 12 juin 2019, B. (409394)

Dans le jury de concours académique : l’ancien amant ? oui ! L’ancien directeur de thèse : non !

Voilà un nouvel arrêt qui vient préciser l’étendue et la matérialité du principe d’impartialité des jurys de concours dans la fonction publique académique d’Etat (et ce, pour peu qu’elle demeure d’Etat). On avait ainsi déjà appris (par ex. dans CE, 17 oct. 2016, B. (386400)) « que la seule circonstance qu’un membre du jury d’un concours connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations de ce concours » mais « qu’en revanche, le respect du principe d’impartialité exige que, lorsqu’un membre du jury d’un concours a avec l’un des candidats des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, ce membre doit non seulement s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibérations concernant ce candidat mais encore concernant l’ensemble des candidats au concours ». Reste à apprécier in concreto l’application du principe tout en tenant compte, s’agissant des recrutements en Université et au Cnrs, d’une difficulté quantitative de taille : les milieux universitaires sont ceux de spécialistes en faible nombre national qui (s’ils sont vraiment des spécialistes reconnus) se connaissent tous plus ou moins. En 2016, dans l’arrêt précité le fait qu’un candidat soit cosignataire de plusieurs articles avec plusieurs des membres du jury avait été considéré comme contraire au principe d’impartialité. En 2017 (CE, 7 juin 2017, Mme A. (382986)), en revanche, le CE avait estimé que la présence d’un président de comité demandant la non audition d’une candidate qui était de façon notoire son ancienne amante et qu’il n’appréciait plus (pour le dire académiquement) n’était en rien contraire au principe d’impartialité alors que manifestement des « liens » influaient bien sur son « appréciation » ! Désormais, et de façon explicite, le juge continue de privilégier les seules hypothèses d’apparences professionnelles.

En l’espèce,

(…)

Dans l’absolu (mais sans comparer avec l’étonnante et regrettable décision précitée de l’ancien amant dans le jury (sic)), on comprend cette application qui se veut stricte du principe d’impartialité. Elle est louable tant pour l’Université que pour les candidats – surtout mais est-elle réaliste et facilement praticable ? Si désormais tout directeur de thèse, par principe presque (même si le CE ne le dit pas de cette façon), doit se déporter de tout recrutement futur car l’une ou l’un des docteurs qu’il a accompagnés se présente, les enseignants-chercheurs vont devoir faire un choix crucial : aider à la formation doctorale (ce qui prend du temps si l’on s’y investit) ou aux recrutements (et notamment à leurs propres carrières). Or, comment oser soutenir que ceux qui ne sont pas directeurs de recherches seraient les mieux placés pour conduire les recrutements influant sur les recherches futures ? Par ailleurs, comment demander à un directeur de recherches de ne plus côtoyer un docteur qu’il a formé, une fois la thèse soutenue ? La thèse est une rencontre intellectuelle puissante et il est logique que les liens de confiance réciproque qui y sont nés perdurent si les intéressés le souhaitent.

Un universitaire toulousain aurait certainement écrit à ce propos (et il aurait eu raison) : « On nous change notre Université ».

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