Dans le cadre de la rubrique « Au Conseil d’Etat » du JCP A – Semaine Juridique – Edition Administration & Collectivités territoriales, j’ai l’honneur de chroniquer – chaque semaine – quelques arrêts et jugements de la jurisprudence administrative. Voici un extrait du prochain numéro :
CE, ord., 13 novembre 2017, Commune de Marseille
Censure (juridictionnelle) d’une censure (administrative) : Dieudonné (suite et non fin)
Quand, en France en 2017 et depuis heureusement de nombreuses années, la puissance publique interdit a priori à un artiste de s’exprimer, l’atteinte faite à sa liberté d’expression est telle que cette censure est elle-même censurée par le juge administratif, gardien des libertés. Il en serait évidemment différemment selon nous (et manifestement selon le CE) si ce même « artiste » par son spectacle écrit et connu enfreignait la législation et partant l’ordre public (cf. CE, ord., 09 janv. 2014, 10 janv. 2014 et 11 janv. 2014 et Touzeil-Divina Mathieu, « Valse (contentieuse) avec Dieudonné : liberté ou ordre public ? » in Gaz. Pal. 22 janvier 2014 ; n°22 p. 05 et s.). Autrement dit, la décision ici commentée (une ordonnance de référé rendue en appel d’une ordonnance du juge des référés du TA de Marseille datée du 19 octobre dernier) n’apporte – outre son aspect médiatique et la figure victimaire de son principal intéressé – aucune nouveauté au fond. Il pourrait s’agir d’une bichette humanisée comme d’un groupe de slameurs politisés que cela n’y changerait rien : « la liberté est la règle et la restriction de police l’exception » selon les mots bien connus de Corneille (le commissaire du gouvernement et non le chanteur de RnB ou encore le dramaturge).
(…)
Enfin, il est aussi intéressant de voir comment le CE lutte contre les dérives potentielles de sa propre jurisprudence. En 2014, en effet, chacun se souvient de son invocation d’une atteinte à la dignité de la personne humaine (et conséquemment à l’ordre public) qui avait emporté et justifié (par les ord. de janvier 2014 préc.) la confirmation des annulations de spectacles du même Dieudonné. Or, essaie d’expliquer ici le CE, le contexte était bien différent : le spectacle écrit (« Dieudonné dans la guerre ») n’était pas le même (que celui précédent et dit du « mur ») ; les troubles (et donc les risques) qui l’entouraient autrefois ne sont plus identiques ; des condamnations pénales ne l’entourent plus : bref, l’atteinte à la dignité de la personne humaine est – évidemment – exceptionnelle à l’instar de toute mesure de police. Nul doute, néanmoins, que les contentieux continueront dans les différentes villes où passera « l’humoriste » et ce, au fil de ses différents « spectacles » ou provocations.
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