Belle fête aux morts !
Et si le sujet vous intéresse aussi juridiquement, voici un peu de publicité(s) et de rappel(s) (ainsi que quelques photos) :
- En novembre 2014, aux côtés de M. Boudet et de Mme Bouteille-Brigant, j’ai eu le plaisir de proposer un nouveau Traité des droits de la mort. En voici la présentation :
Questions. Tabou ? Egalité devant la Mort ? Devenir des cendres ? Statut du cadavre ? Existence d’un ou de plusieurs service(s) public(s) de la Mort ? Place des religions dans le rapport à la Mort dans la Cité ? Evolutions historiques, juridiques, philosophiques mais aussi techniques des activités funéraires ? Importance de la crémation ? Existence de « travailleurs de la Mort » ? Décès en hôpitaux ou ailleurs ? Morts des nourrissons ? Ethique & bioéthique de la Mort ? Questions relatives à l’euthanasie ou à l’interruption volontaire de grossesse ? Droits comparés ? Droit(s) européen(s), internationaux ou nationaux de la Mort ? Droit(s) public, privé, environnemental, urbanistique ou même patrimonial des cimetières ? Droit pénal & infractions de la Mort ? Existence de police(s) funéraire(s) ? Economie(s) et « prix » de la Mort ? Cites sinéraires ? Rapports aux Arts ? Assurance(s) sur & de la Mort ? Hypothèse(s) d’héritage(s) numérique(s) ? Questionnements relatifs aux cadavres non humains comme ceux des animaux ou encore concernant les cadavres et leur statut dans la recherche scientifique ? Voilà un simple « aperçu » des questions que soulèvent et analysent avec des éléments concrets et des réponses, les contributeurs aux deux volumes du Traité des nouveaux droits de la Mort.
Contributions. Les auteurs réunis autour du professeur Mathieu Touzeil-Divina (Université du Maine, Themis-Um (ea 4333), Collectif L’Unite du Droit), de Mme Magali Bouteille-Brigant (Université du Maine, Themis-Um (ea 4333), Collectif L’Unite du Droit) et de M. Jean-François Boudet (Université Paris V, Cersa-Cnrs (umr 7106), Collectif L’Unite du Droit) sont d’horizons différents : juristes, praticiens du funéraire, médecins, psychologues, sociologues, historiens, artistes, etc. Tous ont contribué en fonction de leurs connaissances et de leurs sensibilités par-delà les disciplines et les chapelles académiques. C’est alors bien l’Unité du / des Droit(s), chère aux porteurs[1] du présent Traité qui a été sollicitée. Il n’y s’agit pas du droit public ou privé de la Mort mais bien des droits de la Mort ; droits renouvelés et expertisés en 2014 par des juristes essentiellement mais aussi par d’autres spécialistes. Et, si le phénomène mortel est universel, les réactions, les droits et les usages matérialisés en France mais aussi dans le reste du monde lors de sa survenance sont bien multiples : pratiques différenciées du phénomène crématoire[2], des inhumations, des couleurs à porter en société lors des cérémonies funéraires, des fleurs à y associer, des comportements retenus ou – à l’inverse – très extériorisés des proches, des places matérialisées par la puissance publique ou encore par les entrepreneurs privés, etc.
L’ouvrage est alors conçu en deux temps autour de thématiques auxquelles répondent les deux tomes du Traité : La Mort, activité(s) juridique(s) (Tome I) puis La Mort, incarnation(s) cadavérique(s) (Tome II).
Tome I. Droit(s) des « activites » funeraires. Après des propos introductifs (du professeur Touzeil-Divina (§ 01 et s.)) interrogeant, à l’aune de l’Unité du Droit, les rapports entre Mort(s), Mémoire(s) et Droit(s) et mettant en lumière une dissociation entre les mémoires « spirituelle » et « physique » des juristes défunts, s’ouvre le Chapitre I intitulé : « La Mort aux confins des droits et de la vie en société ». La transition avec les éléments introductifs y est assurée par le docteur Charlier (Section 01 (§ 27 et s.)) qui ne se demande pas (sur un air connu) « où Arthur a-t-il mis le corps ? » mais plutôt à qui, in fine, « appartiendra » ou « reviendra » cette dépouille en territoire afro-caribéen (à la famille ? à la commune ou communauté ? à l’Etat ?). Alors, l’auteur revient sur la question liminaire posée de la mémoire des défunts : quelles sont nos attentions pour les morts ? Les deux premiers textes se complètent donc et insistent sur la dissociation qu’il peut y avoir, dans nos mémoires, entre les décès « célèbres » et ceux des plus humbles mortels. C’est alors davantage la « mort sociale » qui est en cause et sur laquelle reviennent nos deux premiers contributeurs[3]. C’est ensuite Mme Le Berre (Section 02 (§ 34 et s.)) qui – entre psychanalyse et philosophie – pose la question de la « Mort de / dans l’âme ». Avec, entre autres, pour guides Jankelevitch et Barthes, elle nous permet, avant d’approcher les phénomènes juridiques, d’envisager la Mort telle qu’elle se présente et se présentera à chacun(e) de nous. Le docteur en médecine Dhote-Burger (Section 03 (§ 41 et s.)) présente et analyse par suite le lieu dans lequel, en France aujourd’hui, l’on meurt le plus : l’hôpital et les questions juridiques qui s’y matérialisent. Ce faisant, elle insiste sur la « Loi (dite) Leonetti » (n°2005-370) qu’elle considère comme particulièrement importante mais paradoxa-lement comme très « mal connue ». Déjà, les phénomènes contemporains de société comme l’exposition médiatique Our Body[4] et plus récemment encore l’affaire dite Lambert[5] sont évoqués. Notre collègue Clavandier (Section 04 (§ 50 et s.)) examine ensuite, à l’aide et au regard de la sociologie, le phénomène mortel et ses répercussions au cœur de nos Cités. Evoquant tour à tour l’importance croissante du phénomène crématiste et le rôle du lieu « cimetière » en tant qu’espace public certes implanté dans nos communes mais « maintenu à distance » des vivants, elle rappelle que les « obsèques relèvent autant du service public que d’un rituel » sacré ou laïc puis décrit le phénomène de « traçabilité » et de « miniaturisation » des morts avec une proposition personnelle d’explication relative à ce qu’elle nomme les « restes intermédiaires » (§ 54 et s.).
Ce premier Chapitre (Section 05 (§ 59 et s.)) se clôt avec l’expertise technique et pragmatique d’une juriste praticienne du secteur funéraire, Mme Perchey qui y décrit les mutations contemporaines vécues par les opérateurs des pompes funèbres que l’on pourra nommer, avec M. Sweeney, les « travailleurs de la Mort » (§ 144 et s.). L’auteure évoque alors, non seulement la disparition programmée d’un symbole (sinon d’un mythe dans l’imaginaire collectif) : celui du « formol » (formaldéhyde) mais aussi celle préconisée par d’aucuns d’un arrêt des soins mortuaires à domicile. Mme Perchey fait également état des débats entourant aujourd’hui la question des soins à apporter à certains défunts ayant contracté des pathologies comme les hépatites B et C ou le Vih. Elle y décrit également la prise croissante de considération(s) des préoccupations environnementales.
Service Public. Le Chapitre II est consacré au service public dit « extérieur » des pompes funèbres (Section 01, § 73 et s.). Les auteurs (le professeur Touzeil-Divina accompagné de Mmes Elshoud et Mouriesse) tentent d’y développer les conséquences que l’on pourrait peut-être tirer (et que l’on semble parfois oublier) de la qualification juridique de service public. Au regard des Lois dites de Rolland appréciées et mises à jour en 2014, il y est question d’Egalité, de mutabilité, de continuité mais aussi de transparence, de neutralité, d’efficacité, d’information, d’accessibilité ou encore de concurrence des services funéraires. En découle en grande partie (§ 277 et s.) la proposition de Loi du Tome I (Chapitre IV, section 05) du présent Traité où est notamment discutée puis affirmée l’existence d’un service étatique (et non communal) qui ne serait pas voué à être obligatoirement qualifié d’une nature industrielle et commerciale. Il est alors important de souligner que le « parti pris » par les coordinateurs du Traité fut de permettre à chacun de présenter ses observations et ses vues sur les phénomènes mortel et funéraire et ce, quitte à ce que plusieurs points de vue divergent. Chaque contribution et chaque proposition n’engagent donc que leurs auteurs et non – solidairement – l’ensemble des contributeurs. Toujours au titre du service public, le professeur Py (Section 02, § 122 et s.) analyse ensuite le droit et la pratique crématistes. Il reconnaît à cette dernière la qualification de « moderne » et ajoute qu’il s’agit à ses yeux, et en Droit, d’une « réforme réactionnaire ». Il fonde son jugement sur une critique circonstanciée de la Loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008 (relative à la législation funéraire) opérant selon lui une « privatisation des cendres » (§ 130 et s.). Par suite, le professeur Mecherfi et le président Boujida (Section 03, § 136 et s.) nous offrent un regard en droit comparé (en l’occurrence marocain) de l’activité funéraire en tant que « service public local » mais auquel « s’ajoutent les préceptes de la Charia ». Leur démarche traduit, ce faisant, (ce que l’on retrouvera au Tome II) l’importance du droit comparé (notamment dans le cadre du Laboratoire Mediterraneen de Droit Public, atelier permanent du Collectif L’Unite du Droit). Mais, au titre du service public, toujours, restent à aborder deux thèmes : celui du droit annoncé des « travailleurs de la Mort » ainsi que la question des « polices funéraires » notamment exercées, au niveau communal, par les maires.
Le premier sujet, traité par M. Sweeney (Section 04, § 144 et s.), n’est en rien redondant avec le témoignage précédent de Mme Perchey. Il en est le complément et permet de décrire le droit des travailleurs de la Mort vu, cette fois, de l’extérieur et non uniquement de l’intérieur. L’auteur y insiste, ce faisant, sur la formation professionnelle et sur le cas, estimé particulier, des thanatopracteurs. Il en conclut avec pessimisme (§ 150), au regard de la dimension de service public, que l’effet « conjugué de l’emprise des « hedge funds » et de la mise en réseau des pompes funèbres » représente vraisemblablement un danger « sérieux pour la préservation du service public des pompes funèbres ». Le Chapitre est alors clôturé par l’examen – par Mme Mesmin d’Estienne (Section 05, § 151 et s.) – de l’existence d’une ou de plusieurs police(s) sur la ou plutôt sur les morts. L’auteure rappelle à cet égard qu’il s’est d’abord agi de police des Cultes puis de police administrative, laïcisée et municipalisée et désormais spécialisée en polices funéraires. La contribution lui permet d’affirmer une conception personnelle de l’ordre public et de sa défense ce qui permet d’ouvrir le débat sur la notion fondamentale de « dignité de la personne humaine ».
Cimetières. La Mort, ce que traduit le Chapitre III du présent Traité, se matérialise aussi de façon domaniale par l’espace public nommé cimetière. La Mort a effectivement « son » lieu ce que présente (Section 01, § 162 et s.) d’abord M. Hedin qui y insiste sur l’expression de neutralité, la nature des concessions funéraires et des travaux (publics) qui s’y concrétisent. Par suite (Section 03, § 192 et s.), c’est M. Dutrieux qui décrit avec rigueur, ingéniosité et propositions personnelles les droits spéciaux de l’urbanisme, du patrimoine et de l’environnement qui s’appliquent – spécialement – à ces mêmes cimetières. Entre ces deux études techniques et juridiques (Section 02, § 176 et s.), c’est alors la notion environnementale qui réunit nos contributeurs. En effet, y est inséré un très beau texte de l’artiste et « promeneur nécropolitain », André Chabot, qui aborde les questions de l’esthétique des cimetières, offrant aux lecteurs, au fil d’un voyage « entre les allées », de nombreuses considérations, points de vue(s) et clefs d’interprétation(s) dans l’histoire comme dans l’espace. C’est également la dimension spatiale et comparée qui va innerver les deux dernières études de ce Chapitre. D’abord (Section 04, § 204 et s.), nous retrouvons MM. Boujida & Mecherfi (notamment avec la question des habous) qui analysent la question funéraire des cimetières « en terre islamique » alors que la professeure Franch i Saguer (Section 04, § 216 et s.) étudie et présente avec finesse la solution espagnole « en terre catholique ». On y relèvera notamment, outre une évolution juridique et historique des plus minutieuses, sa mention (§ 233) des nouveaux besoins des services funéraires espagnols, mutations que l’on retrouve du reste partiellement en France.
Incarnations financières & contractuelles. Le Chapitre IV du Traité est consacré aux questions financières provoquées par la Mort à l’exception, cependant, du droit des successions (qui fait – déjà – l’objet de traités spéciaux complets). Y est d’abord analysée, avec l’étude du doyen Marly (Section 01, § 233 et s.), la question de l’assurance « sur » la Mort ; le professeur rappelant qu’il fut même un temps – long – pendant lequel cette hypothèse était illicite alors qu’elle est désormais, en droit positif, bien encadrée. Puis (Section 02, § 239 et s.), c’est M. Boudet qui, alors qu’on ne les soupçonnerait pas tous et toujours, nous dévoile l’existence et la pertinence de questionnements y compris fiscaux sur le phénomène mortel ; le lecteur étant averti par ce très beau proverbe malgache : « La Mort est une part d’impôt » ! L’auteur y interroge alors, comme le feront par suite les économistes et M. Ricou de leurs points de vues, la question du « prix de la mort » (§ 241 et s.) ; un prix traduisant, selon M. Boudet, cette « forme de marchandisation contemporaine » du phénomène funéraire. Partant, le contributeur nous invite à réinterroger – chacun en sa conscience – le rôle que nos sociétés consacrent à la Mort et à ses conséquences. Cela dit (Section 03, § 248 et s.), ce sont des enseignants-chercheurs en économie (Mme Blasco et MM. Messe & Tanguy) qui étudient et analysent le marché funéraire et ses nouvelles stratégies puis les parts de ses principaux acteurs. Comme d’autres contributeurs, ils insistent sur cet élément désormais fondamental du secteur de la Mort : l’information des consommateurs et / ou futurs consommateurs (§ 255 et s.). M. Ricou (Section 04, § 262 et s.) pose enfin la question ultime du premier volume de notre Traité. Si, à ses côtés, on reconnaîtra aisément la qualification juridique « d’activité économique » au secteur funéraire et l’existence d’un « marché » au sens du droit public économique, existe-t-il pour autant, interroge-t-il, un droit européen de la Mort ? Pour y répondre, l’auteur, qui manie avec finesse les tenants et aboutissants de l’Unité du Droit, examine toutes les « branches » juridiques concernées ou sollicitées (ainsi en est-il du droit public mais aussi du droit privé, du droit commercial, du droit de la concurrence, etc.) pour démontrer comment le service public des pompes funèbres mais aussi celui de la gestion domaniale des cimetières proposent un cadre au « jeu » de la concurrence. M. Ricou y décrit alors l’accès « à la table de jeu » des opérateurs de l’Union européenne. Enfin (Section 05, § 277 et s.), le Chapitre se termine par l’exposé (nourri des précédentes contributions) d’une proposition normative. L’équipe du professeur Touzeil-Divina y développe une volonté de réaffirmation de l’existence d’un « véritable » service public obligatoire, étatique, assumé et milite en faveur d’une prochaine codification du secteur funéraire. Cette proposition n’engage que ses auteurs et non tous les contributeurs.
Tome II. Droit(s) & statut du (des) cadavre(s). Si le Tome I du présent Traité des nouveaux droits de la Mort a eu pour « fil rouge » l’activité funéraire, le second volume est consacré, quant à lui, à l’objet de cette activité : le(s) cadavre(s). Pour en matérialiser l’examen, une même approche inter et transdisciplinaire a été recherchée. Tout d’abord, ce sont trois juristes et enseignants-chercheurs (Chapitre V, Section 01, § 500 et s. ; MM. Kermabon, Mynard & Pierchon) qui ont réalisé le lien entre les deux ouvrages et ce, en examinant – au regard de l’Histoire du Droit – non seulement l’Ancien Droit et sa gestion des sépultures mais aussi l’appréhension – par le Droit et ses évolutions – du statut du / des cadavre(s). La contribution débouche alors sur l’énoncé fondamental suivant : l’élément cadavérique est-il une chose (fût-elle sacrée) ou conserve-t-il des traces ou manifestations de la personnalité ?
Il s’en suit (Section 02, § 530 et s.) une première contribution bâtie sur deux points de vue complémentaires (ceux des docteurs Froment & Charlier) ; visions anthropo-logiques qui intègrent et décrivent la réalité puis le devenir des cadavres parfois conservés et exposés (par exemple dans des musées) et ce, tant au regard de la médecine, de la recherche et de la science que de l’éthique. Se pose aussi la question (Section 03, § 542 et s.), à l’heure où un réseau social comme Facebook est devenu le « plus grand cimetière virtuel au monde » de l’héritage numérique qu’analyse avec rigueur et de façon très argumentée et nourrie Mme Beguin-Faynel. Le Chapitre V se termine avec un peu plus de « légèretés » sans quitter pour autant l’exigence scientifique nécessaire au présent Traité. Les deux dernières sections y analysent en effet comment les Arts (ou plutôt quelques-uns de ceux-ci) abordent les questions cadavériques et funéraires. Entre théâtre classique, peinture et littérature, ce sont même les séries télévisées et quelques films qui sont passés au microscope d’un collectif de contributeurs (Section 04, § 553 et s.) alors que les musicologues Pesque (Section 05, § 585 et s.) ont consacré une très belle étude à la musique notamment lyrique. Ainsi se clôt le Chapitre, sans requiem mais avec des vampires, entre les évocations musicales du sacré et du surnaturel.
Droit(s) du cadavre. Le Chapitre VI interroge ensuite les « droits » du cadavre en ouvrant la réflexion sur l’hypothèse spécialement relative aux décès périnataux (Section 01, § 598 et s. par M. Rousset) mais aussi celles concernant les cadavres dits non humains (faisant ici référence aux animaux) et ce, à l’heure où les cimetières les recevant se multiplient. Toutefois, la question (Section 02, § 609 et s.) – analysée par le professeur Marguenaud, Mme Maillard et M. Perrot – dépasse le simple questionnement domanial pour évoquer autant de facettes différentes que celles de la sécurité alimentaire (§ 611), du végétarisme, de la maladie dite de la « vache folle », de l’équarrissage ou même des trophées de chasse (§ 618). La question des cadavres humains est ensuite réexaminée en prenant un peu de « hauteur » et ce, à travers l’interrogation, en droits internationaux public (Section 03, § 620 et s.) puis privé (Section 04, § 630 et s.). L’analyse de nos collègues, le professeur de Nanteuil et Mme Chaaban, permet alors aux lecteurs de découvrir que la Mort soulève autant – et en tous lieux – de questionnements juridiques parfois complexes et souvent humainement difficiles sinon dramatiques. Le Chapitre se termine (Section 05, § 638 et s.) par une contribution du professeur Cheynet de Beaupre qui, tout en revenant sur quelques éléments précédents et réaffirmés de façon personnelle, étudie le droit et les questions juridiques relatifs aux cadavres devenus cendres.
Statut(s) du cadavre. Voilà la question cardinale du Chapitre VII, introduite dès la section première du Chapitre V et au moins effleurée par chacun de nos contributeurs : le cadavre est-il une chose, ce que retient la doctrine majoritaire et a priori le droit positif, ou véhicule-t-il une forme ou essence continue de personnalité comme deux des codirecteurs du présent Traité (le professeur Touzeil-Divina et Mme Bouteille-Brigant) le suggèrent (en section 05 du Chapitre VIII) ?
Pour le professeur (de droit privé) Loiseau (Section 01, § 687 et s.), le cadavre n’est ni objet ni sujet de Droit(s) (§ 690 et s.) mais la Loi lui offre un important statut de « ce qui a été ». Pour les publicistes (le professeur Bioy & M. Fallon) (Section 02, § 700 et s.), il faut examiner ce même cadavre au regard de la « dignité » qui lui accorde une protection objective. C’est alors, selon eux, la « socialisation de la personne humaine » qui permet d’envisager « l’émergence d’une vie privée posthume » (§ 709 et s.). Cela dit, le cadavre (et il ne pouvait en être autrement) est aussi interrogé au regard des religions et de leurs droits et ce, tant dans leurs expressions internes (en France) (Section 03, § 715 et s. avec la très belle et riche contribution de M. Papi) qu’en matière de droits internationaux et notamment européens (Section 04, § 727 et s.) grâce à l’étude du professeur Christians. Il restait, fruit d’un dialogue entre la médecine et le Droit, à mettre en lumière(s) les questions juridiques qu’impliquent le statut du cadavre en termes de recherche(s) scientifique(s). Partant (Section 05, § 740 et s.), Mme Bouteille-Brigant et le professeur Rouge-Maillard expriment un regret qui ne pourra désormais apparaître qu’objectif suite à leur démonstration : celui du faible encadrement normatif des recherches (§ 741 et s.) ce à quoi répondra une autre proposition concrète mais subjective (§ 888 et s.).
Bioethique du cadavre. Le dernier de nos Chapitres est centré sur les questions de bioéthique et revient, de la même manière que le Traité a été introduit, sur les questions du cadavre et de la Mort en société(s). C’est tout d’abord le professeur Labbee[6] (Section 01, § 765 et s.) qui fait état de plusieurs considérations générales (et parfois personnelles) en la matière rouvrant ce faisant le débat entre chose et personnalité cadavérique(s). L’auteur, quant à lui, réaffirme l’existence du cadavre en qualité de « chose sacrée ». Par suite (Section 02, § 788 et s.), c’est le professeur Vialla qui propose et expose quelques considérations ou variations relatives à l’euthanasie. Même s’il réussit l’exploit d’y citer Harry Potter, sa contribution fait état d’un questionnement direct : peut-on (voire doit-on) prévoir ou mettre en œuvre un « droit à la mort » en France ? Pour y répondre et argumenter son opinion, le professeur revient sur l’importance de plusieurs qualifications terminologiques (§ 793 et s.) et, à l’instar du docteur Dhote (§ 41 et s.), insiste sur la méconnaissance actuelle de normes comme la Loi (précitée) et dite Leonetti. Il y analyse en outre l’affaire (également précitée) dite Lambert et insiste sur l’importance de la connaissance de la volonté des patients en fin de vie. Par suite (Section 03, § 806 et s.), c’est Mme Gate qui analyse la question d’une mort singulière : celle de l’Ivg où lorsque « vouloir interrompre une grossesse peut causer la mort ». Enfin, M. Brigant (Section 04, § 819 et s.) dans une contribution qui clôture particulièrement bien l’ensemble du Traité a disséqué pour nous la somme innombrable et désormais dénombrée des infractions relatives au droit pénal de la mort comme activité juridique (§ 822 et s.) puis au droit pénal des morts comme incarnations cadavériques (§ 862 et s.).
Première edition. Jamais il n’avait été réuni, avant la première et présente édition du Traité des nouveaux droits de la Mort, un tel collectif d’auteurs et d’experts. Tous ont accepté de relever ce défi consistant à décrypter les nouvelles (car elles ont manifestement évolué) et contemporaines relations tissées – particulièrement en Droit(s) – entre la Mort et la Cité. L’actualité[7], l’universalité mais aussi la permanence[8] de ces questions doivent être relevées même si les réponses qui y sont, qui y ont été et qui y seront apportées diffèrent, ont différé et diffèreront selon les époques, les sensibilités et les lieux. Outre les juristes, les artistes[9], en particulier[10] (ce que l’on observera notamment aux § 553 et s. au Tome II du présent Traité), ont également su apporter plusieurs de ces visions de la Mort dans la Cité. D’aucuns en ont prononcé la solennité, le funèbre, l’inexorabilité, la peur, la maladie, l’Egalité ou encore l’érotisme[11] lorsque d’autres – comme pour s’en prémunir – ont préféré en rire[12] ou masquer la Mort comme pour la dénoncer. Il ne s’agira donc évidemment pas de conclure ces propos en affirmant l’Unité des vues sur les questions funéraires, fussent-elles uniquement juridiques, mais bien au contraire d’en célébrer et d’en matérialiser la pluralité. Il faut alors remercier l’ensemble des contributeurs, des plus jeunes (selon la tradition des Editions l’Epitoge et de l’association Collectif L’Unite du Droit) aux plus célèbres et expérimentés. Et, en attendant une deuxième édition qui reviendra sur les débats ouverts par le présent opus, les trois coordinateurs du projet[13] des « nouveaux droits de la Mort » tiennent à remercier tous ceux qui ont apporté leur(s) soutien(s) à cette aventure et qui y ont « cru ».
Le Mans, 02 novembre 2014,
Pr. Mathieu Touzeil-Divina
Collectif L’Unité du Droit, Themis-Um (ea 4333)
[1] Des mêmes : occurrence « Droit(s) de la Mort » in Touzeil-Divina Mathieu (dir.), Initiation au Droit ; introduction encyclopédique aux études et métiers juridiques ; Paris, Lgdj ; 2014, 2nde édition ; p. 219 et s.
[2] De plus en plus répandue en France, la crémation n’est – par exemple – pas encore matériellement permise en Grèce et ne devrait l’être, avec la construction autorisée à l’été 2014 de deux crématoriums à Athènes et Thessalonique, que ces prochains mois.
[3] Le professeur Touzeil-Divina, cependant, ne pouvant évoquer, comme le docteur Charlier le fait avec brio, l’hypothèse des… zombies (§ 32) !
[4] Plusieurs paragraphes du présent Traité y font référence ; ainsi, aux § 134, 574, 646, 708, 740, 750, 784.
[5] Plusieurs analyses notamment effectuées par nos contributeurs en sont déjà parues. On citera notamment : Vialla François, « Acta est fabula ? » in Jcp G ; 2014, n°28, act. 825 et Touzeil-Divina Mathieu, « Ultima necat. Première décision « Lambert » en référé : « oui à la vie » » in Jcp A ; 2014 ; n°04 ; p. 11 et s. puis « Ultima necat ? Quatrième décision « Lambert » en six mois : non à l’acharnement ? » in Jcp A ; 2014 ; n°26 ; p. 13 et s.
[6] Dont on ne présente plus les célèbres travaux de doctorat : Condition juridique du corps humain avant la naissance et après la mort ; Lille ; Pul ; 1990.
[7] Il ne se passe pas une journée sans qu’une innovation soit signalée. Ainsi, à l’heure où nous publions cette première édition, mentionne-t-on au titre des actualités 2014, la ville de Rome qui vend aux enchères, et donc aux plus offrants, une cinquantaine de ses tombes en reprise afin qu’elles soient à nouveau utilisées ou encore, dans le Michigan, ce salon qui vient d’ouvrir un « drive-in » (comme dans les fast–foods) afin que les proches – sans avoir à sortir de leur voiture – puissent passer devant une vitrine dans laquelle une dépouille est exposée.
[8] V. en ce sens : Tillier Anne-Marie, L’homme et la mort ; l’émergence du rite funéraire durant la préhistoire ; Paris, Biblis ; 2009.
[9] On pense ici (outre aux Beaux-Arts) à ceux qui ponctuent notre quotidien, notamment ferroviaire, et sont auteurs de romans policiers (ou nécessairement la Mort tient une place cardinale). Citons alors, sans aucune prétention à l’exhaustivité et en toute subjectivité : Laplace Pierre, Des clients pour les pompes funèbres ; Paris, Ferenczi ; 1952 ; coll. « Le Verrou » ; Kempley Walter, L’ordinateur des pompes funèbres ; Paris, Gallimard ; 1973 et le film éponyme de Gérard Pirès (1976) où se pose la question cruciale de la prévision du moment funeste par les mathématiques ; Very Pierre, M. Marcel des pompes funèbres ; Paris, Le Sycomore ; 1984 ; Barcelo François, Chroniques de Saint-Placide-de-Ramsay ; Paris, Fayard ; 2007 ; Leforestier Hugues, Quelques heures à vivre ; Paris, Flammarion ; 1992 ; Teulé Jean, Le magasin des suicides ; Paris, Julliard ; 2007 et, du même : Mangez-le si vous voulez ; Paris, Julliard ; 2009 ou encore : Fleur de tonnerre ; Paris, Julliard ; 2013 ; citons enfin le truculent : Egloff Joël, Edmond Ganglion & fils ; Paris, Rocher ; 1999.
[10] Il faut lire en ce sens : Aries Philippe, Images de l’homme devant la Mort ; Paris, Seuil ; 1983. On consultera également avec profit : Bourdois Cyril, Art de la mort et mort de l’art ; Paris, l’Harmattan ; 2013.
[11] On songe notamment au sulfureux Pompes funèbres (Paris, Gallimard ; 1953) de Jean Gennet.
[12] Citons à cet égard les Brèves de cimetière et des pompes funèbres de V. Beaumont (2013, Cherche-midi) et plus récemment les Sincères condoléances de G. Bailly (2014, L’Opportun).
[13] Projet également matérialisé lors du colloque dit de restitution du Traité éponyme (les 13 & 14 novembre 2014 à l’Université du Maine ; www.droitsdelamort.org).
2. Le 07 novembre 2016, à Toulouse, les étudiants de L3 – groupe 1 en droit administratif des biens en sauront davantage sur l’un des domaines publics les plus intéressants en la matière : le cimetière ! et la place des juristes défunts en son sein !
3. Et puis …..
vous pourrez aussi aller lire ici …
ou là …..
4. Avec une spéciale dédicace à la sépulture d’un certain Maurice Hauriou ….
Nous avons en effet avec d’autres récemment empêché la reprise de concession de la sépulture du doyen Hauriou, à Nonac, alors qu’elle allait rejoindre l’indifférence d’un ossuaire communal. Une tribune à l’AJDA avait été publiée à ce propos :
Aux morts… ô Mores…
Par ces temps de Toussaint ou de fêtes des morts plus laïques, les juristes savent appréhender les cimetières en termes – juridiques et techniques – en notions et concepts tels que : service public ; domaine public ; service extérieur des pompes funèbres ; carrés dits confessionnels ; concessions dites à perpétuité ; reprise(s) de concession ; ordre public et notamment salubrité publique ; police des cimetières ; urnes ; vacations funéraires (sic), etc. La question positive semble donc maîtrisée à en croire les nombreux articles et ouvrages en la matière.
Parallèlement, les grands auteurs – ceux que l’on nomme parfois les « pères » du droit administratif à l’instar de Maurice Hauriou, d’Edouard Laferriere ou bien de Léon Duguit et même les « grands-pères » du droit public tels Joseph de Gerando, Toussaint Cotelle, Anselme Polycarpe Batbie, Louis Antoine Macarel ou Emile-Victor-Masséna Foucart – sont encore fréquemment cités et ce, tant dans la doctrine universitaire que dans celle dite organique du Conseil d’Etat notamment. Dans les esprits, ils seraient donc toujours un peu en vie et leur influence continuerait de nous « guider ».
N’y-a-t-il pas dès lors un paradoxe à constater que, matériellement, ces hommes de la « patristique administrative » soient pour la plupart, tombés dans l’oubli et que rares soient encore les honneurs et les attentions portés à leurs dépouilles et à leurs dernières demeures ? Dans les cimetières, qui se soucie aujourd’hui de ces publicistes tutélaires ? N’est-il pas temps, en l’absence de descendants ou lorsque se sont dispersées les familles, de se préoccuper des reprises de concessions qui s’exercent non seulement à Bordeaux dans le cimetière protestant où repose Henri Barckhausen mais encore a priori à Nonac où la tombe du doyen Hauriou sera bientôt détruite si nous ne faisons rien ? Ne pourrait-on pas faire déposer des plaques en la mémoire de Vuatrin, de Macarel, de Firmin Laferrière – au cimetière du Montparnasse –, de Batbie – dans la crypte du Sacré-Cœur de Montmartre – ou encore de Foucart au Père Lachaise alors que leurs sépultures sont désormais anonymes ? Ne doit-on pas collectivement entretenir les reposoirs menacés d’abandon et sur lesquels les noms de Duguit – à la Chartreuse –, de de Gerando – au père Lachaise – ou bien de Barilleau et de Ducrocq à Poitiers s’effacent ou sont à peine lisibles ? N’est-on pas solidairement soucieux de ce que même certaines tombes récentes ne sont déjà plus fleuries alors que notre reconnaissance est immense ?
Triste de ce constat, le Collectif l’Unité du Droit (unitedudroit.org) lance un appel d’universitaires (enseignants-chercheurs et étudiants) ainsi que de magistrats soucieux de sauvegarder, au-delà de l’œuvre des pères du droit administratif, leur souvenir physique. Concrètement, il s’agit, dans le respect de la volonté des familles concernées d’œuvrer en vue d’empêcher les reprises éventuelles de concessions des pères du droit public et que ceux-ci soient ainsi anonymement dispersés dans les ossuaires publics. Il s’agit également d’organiser un entretien ou lorsqu’elles sont disparues de déposer des plaques. Pour ce faire, mobilisons-nous et étudions les différents modes d’action(s).
Nous ne serions rien sans nos « pères ». Ne devons-nous donc pas agir en gratitude(s) ?
Pr. Mathieu Touzeil-Divina
(AJDA n° 36 – 2012 – 29 octobre 2012)
Allez,
Belles fêtes !
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